Le changement d’heure divise encore la France

Trente ans après l’instauration de la loi sur l’heure d’été, nos pendules n’ont toujours pas été remises à l’heure. Le sujet continue d’être sensible. Le point au moment du passage à l’heure d’hiver.

En 1884, le globe terrestre est découpé en vingt-quatre fuseaux horaires. Le méridien passant par Greenwich, ville de la banlieue de Londres accueillant l’Observatoire royal (datant de 1675), est choisi comme méridien de référence.
Le GMT (Greenwich mean time) est né.
Quelques années plus tard, le 15 mars 1891, sous la pression des différents acteurs du chemin de fer, le territoire franà§ais voit son temps s’unifier.
Désormais, l’heure est la même dans tous les départements, le décalage horaire de 52 minutes entre le Nord et le Sud n’est plus qu’un lointain souvenir.
Mais, en 1916, en écho à l’effort de guerre, la France instaure une « heure d’été » et avance ainsi de soixante minutes sur l’heure normale de son fuseau. L’Etat justifie sa décision par des motifs économiques.

Ce sont toujours des motivations d’économie d’énergie qui inciteront Valéry Giscard d’Estaing à proposé une seconde heure d’avance sur l’heure solaire, suite au choc pétrolier de 1973.
Le 29 septembre 1975, le Journal officiel publie un décret fixant l’entrée en vigueur de la loi sur l’heure d’été au 28 avril 1976, à une heure du matin. La décision du président, sur le conseil de l’Agence franà§aise pour les économies d’énergie (AFEE), permet alors de réaliser une économie de quelque 300 000 tonnes de pétrole par an. Mais aussitôt, le pédiatre et professeur Boris Sandler fait état de troubles du sommeil chez les enfants et de dérèglements du rythme biologique dans La Revue du praticien…

Quand toute l’Europe cherche midi à 14 heures
Cependant, très vite, l’heure d’été fait des émules. En 1980, la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas et l’Allemagne de l’Ouest l’adoptent. Le peuple suisse, qui avait pourtant dit « non » à l’heure d’été par référendum le 28 mai 1978, se voit contraint de suivre la position de la CEE, le pouvoir fédéral passant outre l’expression populaire.

Puis, en 1981, c’est le tour de l’Allemagne de l’Est, de la Grèce, de l’Espagne, de la Pologne, et même de l’URSS, de suivre l’exemple franà§ais. Dès lors, de l’Espagne à la Grèce, en passant par le Royaume-Uni, partout en été il sera midi à 14 heures. En 1983, une directive européenne se charge simplement d’harmoniser les dates et heures du passage à l’heure d’été, entre les différents Etats membres.

Harmonisation franco-allemande
En 1980, l’Allemagne de l’Ouest passe à l’heure d’été, soit quarante ans après le temps de l’occupation allemande dicté par Adolf Hitler. Les horaires de la France et de l’Allemagne sont à nouveau harmonisés, mais sur fond de reconstruction européenne cette fois. En 1977, rencontre officielle entre Valéry Giscard d’Estaing, président de la République franà§aise, et Helmut Schmidt, chancelier de la République fédérale d’Allemagne (RFA) sur le thème de l’Europe.

Pour les opposants au changement d’heure, un long combat commence. Boris Sandler crée, en 1983, l’Association contre l’horaire d’été (ACHE). Celle-ci lance une forte campagne médiatique et fait éclore la polémique. La contestation est entretenue l’année suivante par le mémoire de Mme Gabarain-Moreau intitulé Dépérissement des forêts en Europe – Impact de l’horaire d’été sur l’aggravation des dommages en liaison avec l’avancement des pointes de circulation par rapport à l’heure solaire depuis 1976.

De son côté, le 27 juin 1986, la Chambre d’agriculture de l’Indre, publie sa délibération faisant état de perturbations induites par le changement d’heure annuel. L’association du professeur Sandler repart alors à la charge : elle édite des autocollants « Ne cherchez plus midi à 14 h ! » et fait circuler une pétition. Parallèlement, elle envoie un joli cadran solaire à Franà§ois Mitterrand et Jacques Chirac, alors respectivement président de la République et Premier ministre. Le 19 décembre 1986, le jour de gloire est arrivé pour l’association militante, la question qu’elle soulève depuis des années est à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.

Les Franà§ais divisés
La liste des adversaires de l’heure d’été s’allonge au fil des ans. En 1989, dans son livre Vive l’heure d’hiver !, Claude Michelet met en lumière les problèmes liés au changement d’heure. Dans ce pamphlet, l’auteur revendique le temps de la « pendule interne » sur celui des « technocrates ». Et en décembre de la même année, une étude menée par la commission du Conseil européen sur l’efficacité économique du changement d’heure en été, lui donne raison. De même, un rapport du 20 mars 1990 rédigé par Ségolène Royal, parlementaire en mission sur le sujet, met en évidence des phénomènes de « chronoruptures » et de « chronofatigues » induits par le changement d’heure. En 1995, le Premier ministre, Alain Juppé, se déclare également hostile au maintien de l’heure d’été.

Mais en 1996, contre toute attente, le changement d’heure est normalisé dans toute l’Union européenne. Un rapport du Sénat de la même époque déclare pourtant que l’intérêt économique du système reste à démontrer. Certains détracteurs soulignent que l’argument de la baisse de 0,3 % de la consommation d’électricité en France ne tient absolument pas compte de ce qui est perdu quand il faut se lever plus tôt le matin et réchauffer les maisons après la nuit. Par ailleurs, le rapport du Sénat établit que l’horaire d’été n’est pas le facteur unique favorisant la pratique de loisirs d’extérieur. Enfin, une enquête du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Credoc), de juin 2003, révèle que 38 % des Franà§ais sont favorables au maintien de l’heure d’été, 40 % défavorables et 22 % indifférents.

Ainsi, devant l’adhésion du plus grand nombre, on ne voit pas pourquoi Eléonore Gabarain, qui a succédé récemment au professeur Sandler, en devenant présidente de l’Association franà§aise contre l’heure d’été double, baisserait les armes. Le combat n’est donc pas fini. Et ce dimanche 29 octobre 2006, à trois heures du matin, et pour la trentième fois, il sera deux heures.

Article extrait du site 01men 01men – Le changement d’heure divise encore la France

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